Tout condamné à mort aura la tête tranchée.Les 12 salopards (Robert Aldrich, 1967)
L’homme est debout, vacillant, sur une trappe. Les mains accrochées dans le dos. Il pleure et geint. Il est jeune. Plutôt beau. Autour de lui, à distance respectable, des hommes en uniforme, silencieux, l’air grave, l’entourent.
Un homme s’approche, un grand tissus noir à la main. Il l’enroule autour de la tête de l’homme en pleur. Devant l’objet et l’exécution du geste, il redouble de sanglots. Bientôt sa respiration se ralentit. A chaque inspiration le tissus moule au plus prêt son visage. On devine le nez, la bouche entrouverte.On lui passe une corde au cou. Il la sent à peine. Même quand on la sert
Le porteur du tissus recule, se dirige vers un levier. Les pleurs se raréfient, ponctués par des reniflement. La tête sous le bonnet noir se tournent légèrement comme surprise, hébétée.
Un silence de quelques millième de secondes se fait dans la pièce. Et le grand boum de la trappe qui s’ouvre sous les pieds du pauvre infortuné. Puis c’est le silence, véritable, qui se fait presque aussitôt. Un silence brutale qui interrompit pour toujours le jeune homme, qui semblait si inoffensif.
Et finalement le bruit, léger mais crispant et répétitif de la corde tendue qui oscille sous le poids du condamné. A présent mort.
Roulement de tambour, une musique martiale militaire vrombit. Un homme s’écarte du groupe et sort de la pièce. La musique continue. C’est Lee Marvin. Le générique se lance, le film peut commencer.
Les 12 salopards fait parti de mes films de jeunesse. Au même titre que les dents de la mer, rencontre du 3eme type, Ben Hur, Predator, l’intégrale Tom & Jerry, l’as des as et la grande vadrouille (oui oui) et tant d’autres.
Pourquoi les 12 salopards? Aujourd’hui j’aurai du mal à le dire. Peut être, que j’aimais l’histoire de ces désaxés, prisonniers militaires sortis de leurs géoles pour accomplir une mission casse-pipe qui pour tout le monde est en fait suicidaire.
J’aimais bien sans doute l’idée de deuxième chance. Que ces hommes, tous criminels pouvaient s’amender concrètement en se préparant et réussissant une mission jugée capitale -mais périlleuse- par l’état major. La rédemption par l’héroïsme si on veut.
Le cynisme et le mépris des gradés envers les membres du commando m’avait durablement marqué. A ceux qui revenait de la mission, ces messieurs n’avaient pas même imaginé une rémission de peine, une grâce, un pardon (n’imaginez pas les médailles, les citations etc). Il y avait un je ne sais quoi de lutte des classes dans ce film qui me fascinait. Et cela bien inconsciemment.
Bref j’ai vu des dizaines et des dizaines de fois, un jeune homme se faire pendre. Dans la plus grande froideur et la plus grande « justice » possible. Mais je ne savais pas pourquoi cet homme devait mourir. Mon film commençait au moment de l’exécution et je n’avais aucune idée de ce qui pouvait se passer avant. Comme il s’agissait d’un pré-générique il m’avait toujours semblé que le film commençait comme ca. J’étais un enfant naïf. Ca peut faire office d’explication.
La violence de cette séquence était accentué par le physique du condamné. Contrairement aux 12 salopards, il avait une véritable « bonne tête ». Il faisait gentil garçon, gendre idéal. Il pleurait devant son sort et ne ressemblait donc pas aux gros durs que l’on voit après, eux aussi condamné à mort. Bref Je ne comprenais pas pourquoi cet homme devait mourir.
A force de subir cet exécution, j’ai pris en aversion la peine de mort (qui de toute façon, hein c’était plié en France mais c’est pour l’idée, la pensée philosophique) sans véritablement le formuler. Je n’étais témoin que de la violence physique et psychologique subit par ce jeune homme.
Il y a quelques années, le film repassait sur le câble. J’avais du le voir 100 fois entre 8 et 14 ans et puis plus du tout jusqu’à 25 ans. C’était l’occasion donc de le revoir. J’avais même oublié une grande partie du film. je mélangeais les personnages, le récit. Vraiment c’était le bon moment.
Sauf que….il m’avait toujours manqué le début du film et je le découvrais[1]. Et pas qu’un peu. 1min. Avec l’acte de jugement. Le jeune homme était condamné pour meurtre. J’aurai du m’en douter depuis le temps mais là j’avais la confirmation.
Est ce que cela changeait grand chose en le revoyant. Bien sur que non.
Mais je me dis qu’à l’époque clairement cela aurait pu peut être le cas. J’en suis même sur.
Notes
[1]Comme cela arrivait très souvent à cette époque, l’heure de l’enregistrement avait été mal apprécié et il manquait donc le début.
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